SENENEWS.COM- A peine trois mois après sa sortie de prison, le journaliste vedette se lance en politique et reprend du service avec la volonté intacte de jouir sans entraves de sa capacité de nuisance.
C’est la journaliste qui l’interviewait qui aura le mieux saisi les contradictions flagrantes dans lesquelles se débat un homme manifestement empressé de continuer à jouer les censeurs et donneurs de leçons. En effet, lorsqu’il voudra conclure son émission en reprenant les tournures rituelles dont raffolent les lutteurs sénégalais ainsi que tous les laudateurs télévisuels, Maty Trois-Pommes (drôle de nom, non ?) lui fera remarquer qu’il fait le « Mbeur » (le lutteur en référence aux critiques acerbes de contre-modèles qu’il leur adresse dans son ouvrage).
A lire : VIDEO. Cheikh Yérim Seck dans “APPT 221″ du Samedi 29 Mars 2014 avec Maty 3 Pommes
Désireux d’afficher une respectabilité à toute épreuve rehaussée par une fine barbe entretenue et soignée, Cheikh Yérim Seck s’est livré à un numéro remarquable de communication télévisuelle et politique qui pourrait presque faire oublier qu’il a été condamné par la justice sénégalaise (deux ans de prison) pour avoir abusé d’une jeune adolescente dans des conditions rocambolesques.
Loin de tout regret ou remords à l’endroit des sénégalais ou de la famille de la victime, persuadé d’être la victime d’une injustice et d’une épreuve (Nattu), le journaliste a évacué toutes les questions morales et éthiques, que posait cette violence exercée sur une jeune femme, au profit d’une sorte de jubilation malsaine et éhontée d’un génie personnel et professionnel que rien ne peut entraver.
Dans une vision aristocratique et élitiste, il ne retient de son séjour en prison que les témoignages d’amitié des personnalités qu’il a côtoyé ou qui lui ont fait signe et qui lui auront inculqué les rares leçons qu’il a tirés de cette expérience.
Se complaisant à citer les références de ces personnalités, allant jusqu’à faire état d’une proximité avec la femme du directeur de l’administration pénitentiaire, Cheikh Yérim Seck incarne à la perfection un certain « succès sénégalais » où le mélange des genres et des milieux, une mise en scène et des qualités oratoires remarquables font glisser sans aucune vergogne les couleuvres les plus grosses sur le dos des pauvres citoyens crédules.
Félicitant ses fans qui n’ont ménagé aucun effort pour le soutenir, allant jusqu’à compter le nombre de « 100 visites par jour au camp pénal », se congratulant d’avoir créée une entreprise en prison, versant une larme sur une agression orchestrée par la famille de sa victime, remerciant complaisamment première et deuxième dame, étalant une vie intime et privée dont on a que faire, l’ancien journaliste annonce se lancer dans le combat citoyen dans le cadre d’un nouveau mouvement C221 (lui aussi créée en prison), déjà installé sur tout le territoire national et qui compte « 107 000 membres » décidés à relever le défi de l’échec des hommes politiques dont la plupart sont ses amis.
Enfermé dans un hiatus éthique et philosophique qui ne lui permet pas de faire la part entre la fatalité (nattu) et la volonté, s’égarant entre la téléologie ou la pensée paresseuse, Cheikh Yérim Seck fait mine de croire que les choses se sont passées ainsi parce qu’elles devaient se passer ainsi et ainsi d’oublier qu’il n’y a pas de fatalité en histoire, pas de malédiction. Une décision peut tout changer, un malentendu tout compliquer.
Sur le fond. Enfonçant des portes ouvertes sur les dérives de la lutte sénégalaise dont tous les promoteurs sont ses amis, prônant la solution militaire en Casamance sur la base d’un nationalisme agressif et désuet à l’encontre de la Gambie, dénonçant l’accaparement des chinois à contre-courant de l’évolution du monde, « révélant » les 20 millions que le président Macky Sall verserait chaque mois aux membres de sa coalition, fustigeant les hommes politiques incapables de développer le Sénégal, glorifiant le patronat sans lequel le pays serait à terre, établissant que l’Université sera impossible à relever sans une privatisation, pour finir en chantant les louanges d’une première dame aux vertus insoupçonnées, Cheikh Yérim Seck fait état d’un diagnostic posé depuis belle lurette et d’une société fracturée dont il porte une part de responsabilité que cette émission lui aurait permis d’assumer.
Je rêve, quant à moi, de retrouver sur le chemin pierreux de la Mosquée des Almadies, cet homme dont le discours et le chapelet pendaient clairs et justes.
A lire :
– Vers un secteur horticole performant au Sénégal – Fiche Métier horticulture : initiation, formation, auto-entrepreunariat (par Vincent Gomis) paru le 29/03/2014
– Le « Yoonu Yokkuté », 2 ans plus tard : un OGM de la voie du « Sopi » ? (par Ahmadou Fall) paru le 24/03/2014
–P. S. E, en attendant la suite…(par Mamadou Diop) paru le 18/03/2014