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Sénégal : meurtres en série de malades mentaux

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Tambacounda est le théâtre d’une série d’assassinats de malades mentaux. Pour l’heure, un suspect est dans les mailles de la gendarmerie.

Personne ne désire vivre ces derniers mois à Tambacounda, située à près de 500 km à l’est de Dakar. Et pour cause. Depuis juillet 2013, près de dix corps froidement abattus dont neuf malades mentaux ont été découverts. L’ambiance est à la psychose et la population ne sait à quel saint se vouer. Surtout que la gendarmerie et la police n’ont pas encore mis la main sur les vrais commanditaires de ces meurtres odieux.

tambacounda
Tout était parti du meurtre d’un malade mental errant qui a été retrouvé égorgé derrière le lycée Mame Cheikh Mbaye le 26 juillet dernier. Jusque-là, la situation n’était pas encore alarmante. La vie continuait son cours normal. Le 21 août, la population découvre un deuxième corps. Cette fois, il s’agit d’une malade mentale « portant une grossesse, » selon les dires. Elle aurait été violée avant d’être tuée. Des parties du corps dont les organes génitaux ont été emportées par le(s) meurtrier(s). Un acte qui a semé la panique et l’inquiétude chez les habitants.

Deux mois plus tard, en octobre 2013, les Tambacoundois se réveillent avec un mort de plus. Un malade mental, septuagénaire, assassiné et retrouvé calciné derrière la caserne de la brigade des sapeurs-pompiers. A cette étape, l’atmosphère est bien vive et électrique dans la ville.

Le 23 janvier dernier, au quartier Médina Goura de Tambacounda, un autre malade mental de 45 ans, a été sauvagement assassiné dans des conditions atroces et le sexe emporté. La psychose monte rapidement d’un cran. C’est le « meurtre de trop » pour l’opinion. Les habitants manifestent leur mécontentement devant les locaux de la gendarmerie tambacoundoise en début de ce mois.

Dans la foulée, les activités économiques ont commencé par tourner au ralenti avec une situation de « couvre-feu » qui ne dit pas son nom. Jouissant d’un sentiment d’impunité, les « tueurs en série » passent à la vitesse supérieure. De nouveaux assassinats dans la même ville portent aujourd’hui le nombre des meurtres à 10 personnes dont 9 malades mentaux.

Les patrons de la gendarmerie et de la police ont confirmé la fusion de leurs forces pour trouver une solution rapide à cette série de meurtres qui trouble la quiétude de la population. « Nous avons des pistes et comptons bientôt démanteler le réseau. Nos forces sur le terrain abattent un énorme travail qui bientôt va porter ses fruits. Je suis venu discuter longuement avec le commandant de brigades de recherches de Tambacounda qui est maintenant associé à l’enquête. Je pense qu’il est sur la bonne voie et qu’avant longtemps, on pourra trouver une solution à ce problème », affirmait, le mois dernier, le général Mamadou Faye, patron de la Gendarmerie nationale sénégalaise. Malgré la mobilisation du côté des forces de sécurité, les tueurs courent toujours et continuent d’agir.
Des sacrifices rituels à l’origine des meurtres ?

A cette question, personne ne saurait répondre avec exactitude. Toutefois, des leaders d’opinion et des responsables religieux parlent de sacrifices rituels surtout que des organes sont sectionnés après les meurtres et que la cible est une couche marginalisée de la population : les malades mentaux.
Pour Ansoumana Dione, président de l’Association sénégalaise pour le suivi et l’assistance aux malades mentaux – Assamm, « les meurtriers constituent soit un réseau de trafic d’organes ou du mysticisme ou ont sûrement une affinité avec des groupes de malfaiteurs et d’utilisateurs d’organes humains. Et ces assassins sont très bien équipés. Ce sont des gens qui ont des moyens. Ils opèrent avec des 4X4. Tout dernièrement, c’est un sourd muet, malade mental qu’ils ont essayé sans succès, d’emporter avec une moto Jakarta. Donc, nous avons affaire avec un groupe bien organisé et bien financé. »

« Dans la plupart des cas, les dieux des diouras (lieux où on recherche l’or) demandent des sacrifices humains. Cette piste n’est pas à écarter. Vous savez, aujourd’hui, la crise économique a fait que les gens n’ont plus foi en Dieu et sont prêts à tout pour réussir dans la vie,» explique un féticheur, visiblement désarçonné par la situation qui prévaut dans la ville, autrefois reconnue pour sa quiétude. Tambacounda est une ville dans laquelle réside une diversité religieuse et où des sociétés secrètes et des cercles initiatiques ont élu domicile selon les autochtones.
Un tueur de chats et de chiens

Jeudi dernier, la gendarmerie a arrêté un des présumés meurtriers dans le quartier Salikéné, au centre ville de Tambacounda. Selon la brigade de recherches qui a mené l’opération, des coupe-coupe tachetés de sang et dissimulés dans un sac ont été retrouvés dans la maison du suspect. Selon la même source, ses vêtements lors de la descente étaient tachés de sang et l’homme est décrit comme un maniaque sanguinaire mangeant du chien et du chat cru après les avoir tués à coup de briques.

Malgré tout, la psychose n’a toujours pas disparu au sein de la population. « Parfois, je songe même à quitter la ville avec mes enfants. Ici, il est fait chaud et nous sommes souvent obligés de dormir dans nos cours à cause de la chaleur. Sauf que maintenant, on n’ose plus le faire de crainte d’être surpris par les malfrats », explique, à un média local, une habitante de Tambacounda.
L’Assamm appelle toujours à la vigilance

L’Association sénégalaise pour le suivi et l’assistance aux malades mentaux est montée à plusieurs reprises au créneau et a sévèrement critiqué les autorités sénégalaises dans cette affaire. Le groupe dirigé par Ansoumana Dione avait demandé la démission du gouvernement du premier ministre Aminata Touré, avant de menacer de porter l’affaire devant la cour de justice de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest, pour non assistance aux malades mentaux.

tamba 2a cd6d4Des malades mentaux sans défense
Avec l’arrestation d’un des présumés auteurs, M. Dione s’est voulu plus réaliste : « Face aux derniers développements de l’affaire, nous avons décidé de suspendre pour le moment l’assignation en justice de l’Etat sénégalais. Nous suivons de près l’évolution de la situation et nous sommes permanemment en contact avec les forces de sécurité qui coordonnent les enquêtes ». Toutefois, le défenseur des droits des malades mentaux a appelé les Tambacoundois à la vigilance. « Pour l’heure, c’est un présumé meurtrier qui est dans les mailles des forces de l’ordre. Une personne qui mange des chats et des chiens crus, ne peut pas forcément avoir une accointance avec des assassinats humains. En plus, c’est tout un groupe qui opère, donc le danger demeure

En outre, M. Dione demande, au président sénégalais dans une lettre ouverte datée du 17 mars, le transfert des malades mentaux de la ville vers le centre d’encadrement des malades mentaux de Kaolack, une ville située à près de 200 km au sud-est de Dakar : « Nous venons, par la présente, vous interpeller pour leur transfert à Kaolack, à notre centre d’encadrement et de traitement où un vaste programme de réinsertion leur permettra de pouvoir retourner plus facilement dans la société », peut-on lire dans la note qui vient de nous parvenir.

L’on dénombre 2192 malades mentaux au Sénégal, selon un rapport d’enquête publié récemment par l’association dirigée par Ansoumana Dione. Vivement que la procédure enclenchée par la gendarmerie suive son cours et que justice soit faite au bonheur des habitants de Tamba comme ils aiment la surnommer.


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