SENENEWS.COM- Il y a à craindre que la tendance à transformer en meeting politique tout déplacement du chef de l’Etat n’aggrave la sourde souffrance des citoyens casamançais et prolonger la crise politique qui trouble une région meurtrie. Et ce n’est surement pas à un avenir de champion de lutte que les casamançais destinent leurs enfants.
J’ai connu la Casamance dans l’insouciance de l’enfance. C’était un grenier débordant de richesses, de douceurs et de félicités interdites, dénigrées, exploitées et défavorisées. Une espérance trahie. Des enfances sacrifiées par l’amateurisme, le calcul et la cupidité.
La deuxième visite depuis son élection entreprise, ce matin, par le Président Macky Sall en Casamance est l’occasion de faire le bilan de l’échec de l’Etat sénégalais dans une des régions les plus prospères de l’Afrique de l’Ouest.
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Des frontières abandonnées, un chômage endémique, un enclavement conflictuel, des cours d’eau pollués, des infrastructures obsolètes : 30 ans après la Casamance ressemble toujours à un champ de ruines dont les responsables ne sont autres que les différents gouvernements sénégalais à qui le peuple a confié son destin.
La pauvreté, le désespoir et la colère d’une jeunesse casamançaise privée d’avenir réclame un traitement approprié de la part d’un gouvernement sénégalais qui ne se rapprochera du cœur de la Casamance qu’au prix d’un changement de sa culture politique et d’une lutte contre la corruption.
»Que de larmes versées, de veuves, d’orphelins dans un conflit qui n’aurait pas eu sa raison d’être dans notre jeune nation ! » déplorait le candidat Macky Sall lors de la campagne électorale.
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Minée par une rébellion tirant sa source de la délimitation arbitraire des frontières héritées de la colonisation, la région casamançaise est l’une des plus sinistrées du pays malgré les importantes ressources économiques et humaines qu’elle recèle. Et, si successivement tous les anciens présidents sénégalais ont échoué dans leur ambition de pacifier les mouvements indépendantistes et d’insuffler un véritable développement, c’est que les méthodes de management se réduisent à une gestion approximative et partisane.
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Comment transformer le légitime sentiment de discrimination des populations casamançaises en ressource viable et pérenne pour l’intégration et le développement socio-économique ?
Le Président Macky Sall semble, enfin, décidé à honorer une des promesses qu’il a faite aux fils de la Casamance pendant sa conquête du pouvoir. S’engageant lors de la campagne présidentielle à mettre en place « une sorte de plan Marshall qui va accompagner le processus de paix », Macky Sall sait que le défi casamançais sera aussi l’un des plus surveillés par les observateurs, bailleurs de fonds et partenaires diplomatiques.
Mais plus que ces partenaires, c’est au peuple sénégalais qu’il devra répondre si cette énième promesse, pour laquelle les électeurs casamançais l’ont massivement élu, se révélait chimère, duperie et mensonge. Car des forces qui ne sont plus « indépendantistes » que de nom, mais qui conservent une capacité d’attraction réelle auprès de la jeunesse casamançaise, se verraient ainsi renforcées et légitimées par de nouvelles recrues à qui la république sénégalaise se révèle incapable d’offrir un avenir décent.
Cette jeunesse, l’une des plus instruites et des plus responsables que compte le pays, pétrie des valeurs de fierté, de travail et de dignité qui ont modelé cette terre casamançaise, attend beaucoup, non pas de cette visite, de son folklore et de son armada de lutteurs, mais de la réalisation concrète de politiques qui lui permettent, enfin, de révéler tout son potentiel.
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