SENENEWS.COM – L’arrestation récente du leader des jeunesses libérales pour offense au Chef de l’Etat renvoie à une terrible impression d’impuissance et d’échec dans la formation des leaders politiques du pays. Et au-delà une sorte de gachis irréversible de l’espérance sénégalaise du 25 mars 2012.
Impuissance et échec, d’abord, des partis politiques qui se sont retrouvés, depuis l’avènement de la première Alternance, kidnappés et soumis à la terrible loi de la jungle par de jeunes sénégalais ambitieux dont l’injure, la menace et la violence verbale ou physique sont devenus les diplômes nécessaires pour la promotion sociale et professionnelle et donc la jouissance d’un pouvoir qui les obsède. Impuissance et défaite de parents contraints de voir leur jeune progéniture exposée à cette violence qu’aucune digue morale, religieuse et même légale ne semble pouvoir contenir.
Impuissance et trahison des millions de sénégalais qui en se rendant dans les urnes le soir du 25 mars 2012 avaient fait le choix de la rupture avec des pratiques détestables et archaïques et qui détournent les yeux de honte et de rage face au spectacle d’une classe politique que le courage, l’autorité et la vérité ont abandonné depuis belle lurette.
Impuissance de forces de sécurité totalement incapables d’assurer le service public de la loi, de conduire des investigations dans le respect des procédures règlementaires de protection des droits de la défense et des droits humains. Impuissance et échec d’un Etat qu’une légitimité politique inédite n’arrive toujours pas à parer d’une autorité régalienne respectée et reconnue.
Comment Macky Sall, certes plus élu par rejet du système de Wade, a-t-il pu laisser s’installer dans le pays un climat politique et social aussi malsain ? Comment peut-il à se point tarder, par exemple, à se démettre de son mandat de Chef de parti pour enfin revêtir la fonction suprême que les sénégalais lui ont confié ? Ne voit-il pas qu’ainsi il contribue à fragiliser sa fonction ? Sous quels tropiques se sont réfugiés des leaders comme Ousmane Tanor Dieng, Moustapha Niasse, Amath Dansokho, Abdoulaye Bathily? C’est dans le tréfonds des égouts fantomatiques de Dakar qu’il faut maintenant aller chercher l’information, la discuter, la commenter et la mettre en perspective. D’où viennent ces loups aux dents longues qui ont pris possession du cœur politique du pays ? Comment le PDS a pu devenir ce monstre dégoulinant et puant d’égoïsmes, de prétentions, de bravades permanentes et aussi puériles ? Comment l’exercice d’un pouvoir pendant douze années n’a-t-il pu instiller le sens de la responsabilité, de la dignité et de l’élégance politique dans les consciences de tous les chefs de ce parti ? Comment Abdoulaye Wade peut-il laisser l’œuvre de sa vie qui aura apporté au Sénégal sa première Alternance politique se décrépir, se faner, se flétrir, se rouler dans la fange à ce point ? Comment, enfin, avoir autant saboté l’entreprise de Traque des Biens Mal Acquis que le Peuple sénégalais avait demandé à ses nouveaux élus?
C’est ici que réside la cinquième impuissance, celle du nouveau pouvoir face à l’argent. Ayant suivi le même cursus d’acquisition de leur influence politique que les présumés coupables d’enrichissement illicite, les dirigeants actuels du pays n’ont cessé de tergiverser dans leur volonté de rupture ontologique avec le modèle de prédateur politique qu’a fait émerger l’Alternance du 19 mars 2000. C’est une faiblesse qu’ils auraient pu transformer en avantage s’ils avaient eux-mêmes fait leur aggiornamento politique. S’ils avaient appelé à un grand Ndeup national où tous les sénégalais se seraient débarrassés de cette vieille et sale peau de la Corruption pour enfin rentrer dans l’expérience moderne politique et humaine de la Vérité, de la Justice et de la Liberté.
Malheureusement, ils ont fait tout l’inverse. Ils se sont coulés dans les ors du pouvoir avec l’arrogance, l’ignorance et l’amateurisme de victimes que l’Histoire a choisi. Ouvrant ainsi la brèche que les apprentis-sorciers du régime précédent et tous les tristes charlatans vont se faire un plaisir à rendre béante. Le plus longtemps possible.
A lire :
– Edito: “Sédar Spécial” à Idriss Déby, le Nouveau Seigneur du Sahel? (par Karfa S. Diallo) paru le 22/05/2013
– Edito : L’Éternelle Affaire Me Seye (par Karfa S. Diallo) paru le 22/05/2013
– Edito : Karim Wade en prison et après ? (par Karfa S. Diallo) paru le16/04/2013