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SENENEWS.COM- C’est plus qu’une crise. C’est une hécatombe. Un précipice béant dans lequel le Sénégal aime à s’engouffrer régulièrement depuis plusieurs décennies. Une violente balafre qui défigure régulièrement le visage de notre pays. Et qu’aucune autorité, ni intellectuelle, ni politique, ni morale, ni même religieuse ne semble à même d’endiguer. Crise d’autorité ou de légitimité ?
On peut se perdre en conjectures sur les véritables raisons de cette crise. Refusant la réforme décidée par le gouvernement sur la base d’un nécessaire et incontournable alignement sur l’innovation et l’excellence pour garantir le niveau et la qualité de l’enseignement supérieur sénégalais, les étudiants de l’Université dakaroise exercent une pression massive et croissante sur l’Etat sénégalais qui peine à trouver une issue à cet énième conflit qui risque d’entrainer l’institution dans sa 3ème année perdue à l’instar de l’université Kenyanne qui vient de se résoudre à fermer ses portes.
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Le gouvernement va-t-il camper sur sa position de fermeté sur les revendications étudiantes à l’origine de la catastrophe qui menace l’avenir de l’université sénégalaise ? Au vu des déclarations martiales du Ministère de l’enseignement supérieur à l’issue de la dernière rencontre avec les représentants des étudiants, on voit mal comment il pourrait changer d’attitude. Quitte à se retrouver seul et à endosser la responsabilité de la dérive d’une institution que l’on pensait guérir avec cette première réforme.
La récente et violente sortie des étudiants pour perturber une rencontre universitaire de la Fondation Léopold Sédar Senghor et pour déclarer le professeur Souleymane Bachir Diagne, président du comité de pilotage de la réforme sur l’enseignement supérieur, persona non grata démontre leur détermination et leur conviction que cette culture du rapport de force sera toujours en leur faveur. De Senghor à Abdoulaye Wade en passant par Abdou Diouf, les différents régimes politiques sénégalais ont régulièrement courbé l’échine face à des organisations étudiantes dont le jugement a souvent été voilé par l’inorganisation, l’absence d’autorité morale et l’instrumentalisation politicienne dont tous les leaders politiques ont abusé, sans que cela entame l’authenticité des revendications.
Il n’est pourtant pas interdit de penser que la sincérité puisse aussi guider les conclusions du gouvernement. S’associant la caution intellectuelle d’une personnalité dont l’autorité morale n’a été jusqu’à ce jour contestée, intégrant des associations étudiantes certes frondeuses mais conscientes de la nécessité d’un changement, agrégeant des syndicats d’enseignants désireux de retrouver autonomie et moyens pour améliorer la qualité de leur enseignement, enrôlant même les parents d’étudiants dans un processus de réforme aux conséquences sociales problématiques, faisant valider les conclusions par un conseil présidentiel, le Ministre Mary Teuw Niane s’est entouré des garanties et précautions nécessaires à la réussite d’une réforme que tous les acteurs jugent pourtant nécessaire.
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De fait l’ensemble des protagonistes s’accorde sur les importantes conclusions dont l’augmentation du budget de l’enseignement supérieur, l’accroissement et le soutien du privé dans sa part à la formation des étudiants et l’amélioration de la gouvernance universitaire.
Même l’épineuse question sociale a fait l’objet de récentes évolutions notables. L’augmentation des frais d’inscription et la fin de la généralisation des bourses ne sont plus aussi « injustes » qu’elles paraissaient de prime abord. Les étudiants s’accordant sur une augmentation modérée des droits d’inscription et sur un paiement exceptionnel des bourses pour l’année universitaire en cours. Ce que le Ministère de tutelle refuse avec la dernière énergie, s’en tenant à l’autorité du conseil présidentiel qui a validé ses conclusions.
Dans ce dossier il est manifeste que si le gouvernement a réussi la bataille d’une opinion lassée par les crises successives, choquée par l’attaque injuste portée à l’endroit d’un Souleymane Bachir Diagne révéré et convaincue de la nécessité d’augmenter des frais d’inscription gelés depuis quasiment des décennies, il reste impuissant à rompre cette culture faite de violence, de culpabilité et de peur face aux conséquences sociales et politiques d’une réforme qui bouscule son propre inconscient.
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Pressentant ce manque de confiance, les étudiants auront alors beau jeu de creuser leur superbe isolement qui ne peut que les conforter dans des excès, qui loin de tout vandalisme, sont l’expression d’un désarroi face à un avenir incertain.
C’est du reste ce manque de légitimité qui est la cause de toute cette mauvaise et inutile farce. Entre des autorités qui ont profité du système qu’ils veulent changer sans renoncer eux-mêmes à certains privilèges indus et des étudiants ambitieux mais désespérés devant l’ampleur des inégalités sociales que les changements de régime n’arrivent toujours pas à résoudre.
Tout cela n’excuse en rien, ni les violences, ni les menaces. Mais les unes et les autres traduisent une autorité dégradée de l’Etat. Plus que jamais se fait sentir le besoin d’une reprise en main et d’une initiative politique forte. Cela ne saurait attendre: les vents mauvais soufflent trop violemment.
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