SENENWS.COM - A l’heure où le meilleur d’entre les africains nous laisse un héritage d’engagement et de combat pour la liberté, l’accueil enthousiaste que de nombreux centrafricains ont accordé à François Hollande et à ses troupes militaires sonne comme un désaveu des dirigeants africains qui, tout en se réclamant des valeurs de Nelson Mandela, se révèlent incapables d’assurer leur sécurité intérieure et l’intégrité physique de leurs citoyens.
Contrairement à la Syrie où malgré les milliers de morts la communauté internationale se montre impuissante à intervenir pour éviter les mêmes massacres que ceux qui semblent justifier l’action militaire de la France en Afrique, la Centrafrique aussitôt après le Mali a toutes les faveurs des dirigeants de ce monde. Jusqu’à Koffi Annan qui vient de féliciter publiquement la France pour ses multiples interventions africaines. Une vie africaine aurait t-elle plus de prix qu’une vie syrienne ? Qu’est ce qui autorise la France à se promener en Afrique comme si elle était encore chez elle ?
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Mandatée par l’ONU, l’intervention reste quand même légitime et nécessaire devant la menace de massacre et de dislocation d’un pays et d’une région où les enjeux stratégiques de développement, de lutte contre le terrorisme et donc de stabilité politique sont criants. Le spectre du génocide rwandais sous une présidence socialiste (Mitterand) qui n’avait pu ni le prévoir et ni l’anticiper semble avoir été déterminant dans la décision de Paris.
Il n’en demeure pas moins choquant d’assister à cet abandon de souveraineté régulièrement et trop rapidement consenti par les chefs d’Etats africains.
La première indépendance c’est d’abord la sécurité intérieure. Et François Hollande l’aura bien compris en interpellant les chefs d’Etats africains lors du récent sommet France Afrique : «L’Afrique doit maîtriser pleinement son destin et, pour y parvenir, assurer pleinement par elle-même sa sécurité». Malgré les coûts financiers (presque un milliard d’euros) et humains (sept morts au Mali et deux déjà en Centrafrique), on peut douter de la volonté de la France de laisser réellement les dirigeants africains résoudre leurs difficultés et assumer leurs responsabilités historiques.
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C’est donc en « sauveurs » que les français paradent et patrouillent en Afrique. D’ailleurs les pertes humaines en Afrique, les ressortissants africains fauchés dans cette guerre contre « l’anarchie », nous restent inconnues. Malgré le soin pris à toujours s’entourer d’une force régionale africaine, c’est bien et toujours l’armée française qui mène la danse, fixe les objectifs stratégiques, le calendrier et les modalités d’action.
Promise par l’Union africaine, la future force africaine de réaction rapide tarde à voir le jour. Et il a fallu toute la force de persuasion de François Hollande pour que sa mise en œuvre soit effective à l’été 2015. La France promettant, lors du dernier sommet africain de Paris, d’apporter son concours dans la formation et dans l’encadrement des soldats d’une force africaine qui devrait participer à sécuriser les zones de conflit. Il n’est pas sûr que cela résolve le problème de la méfiance entre les dirigeants africains qui semblent pouvoir s’accommoder plus facilement de la présence des troupes françaises que de celles de leurs voisins.
Le véritable problème de la capacité africaine à se défendre réside donc d’abord dans un soupçon de partialité qui pèse sur ces troupes. Lors des guerres civiles du Libéria ou de la Sierra Léone, l’intervention de la force ECOMOG, mise en place par la CEDEAO, avait conduit à des exactions dénoncées par des organisations des droits de l’homme.
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Il s’ajoute que l’intervention régulière des armées africaines dans le jeu politique, avec un record de coups d’Etats (Rwanda, Togo, Guinée Bissau, Ethiopie, Centrafrique, Tchad, etc), a fortement freiné des processus de démocratisation fragiles et dont la précarisation est renforcée par cette culture militariste encore bien ancrée dans nombre de pays. Le résultat c’est donc une méfiance importante des pouvoirs politiques vis-à-vis de ce corps social dont le manque de moyens et la gestion souvent clientéliste et ethniciste affaiblissent les capacités de régulation démocratique. Soumises à un contexte politique marqué presque partout par la pauvreté, la corruption et les rivalités ethniques, ces armées restent donc subordonnées au forces occidentales et se rèvèlent incapables d’assurer la sécurité de leurs territoires dès qu’un conflit d’envergure intervient.
Décidément, les combats des pères des indépendances africaines qui se sont battus contre le colonialisme et la domination impériale sonnent creux devant la génération actuelle de dirigeants africains. Si les actuels dirigeants de l’Afrique veulent réellement honorer leur héritage et celui du « meilleur » d’entre eux Mandela, il est urgent que la rhétorique indépendantiste cesse et qu’ils s’engagent résolument à s’organiser pour accomplir une tâche qui leur incombe : sauvegarder les personnes et les biens de leurs citoyens.
A lire :
– L’Afrique : un continent en plein essor (par Alioune Badara Sy) paru le 09/12/2013
– Edito : Moustapha Niasse – Guillaume Soro : même combat ? (par Karfa Sira Diallo)
– Que veut faire François Hollande au Mali ? (par Mamadou DIOP) paru le 25/04/2013