SENENEWS.COM- Le parti au pouvoir au Sénégal a fêté son cinquième anniversaire dans un contexte interne lourd de violences, de rivalités et de limogeages récents qui fragilisent la saine conduite des affaires de l’Etat. La joie et la bonne humeur présidentielle ne sauraient cacher la crise larvée que ni une après-midi festive ni les erreurs de jeunesse ne suffisent à excuser. Pendant ce temps, les sénégalais eux n’ont pas le coeur à la fête.
En voyant Seydou Guèye, le porte-parole du parti au pouvoir, insister lourdement sur la nécessité de l’unité et du respect de la discipline au sein des militants, on comprend sans peine que l’APR vit avec douleur le cinquième anniversaire de sa création. Et pourtant jamais, dans l’histoire politique sénégalaise, un parti politique n’aura aussi rapidement conquis le cœur des sénégalais. S’il est vrai que les congrès et rencontres de parti, surtout à la veille d’élections, sont toujours sources de tensions et de pressions de toutes sortes, on peut se demander comment ce jeune parti en est venu à redouter les occasions de débat?
Quand le 9 novembre 2008, la majorité parlementaire acquise au Parti Démocratique Sénégalais destitue, dans des conditions rocambolesques, Macky Sall, alors président de l’assemblée nationale, très peu d’observateurs auraient parié sur les chances de survie politique de celui que beaucoup décrivaient comme manquant de charisme, de personnalité et d’autorité. Chassé du PDS qui aura fait de lui un pilier de la première alternance, sans aucune base politique et s’étant, par son radicalisme au pouvoir, mis à dos une bonne partie de l’opposition, Macky Sall va se doter, moins d’un mois plus tard (01 décembre), d’un instrument de conquête du pouvoir qui, s’il n’a aucune originalité dans ses statuts, s’affirmera très rapidement avec force et succès et dès la première élection présidentielle raflera la mise devant des adversaires médusés et toujours pas revenus de leur défaite, mais qu’il aura eu l’intelligence d’associer à son gouvernement.
C’est justement, dans l’exercice du pouvoir, que son parti est en train de faire les frais d’une incontournable et périlleuse concurrence caractéristique des jeunes formations politiques. Concurrence exacerbée par une coalition « Benno Bokk Yaakaar » que les composantes, conscientes de la faiblesse et de la division du parti au pouvoir, malmènent à force de pression, de chantage voire même d’intimidations.
Le limogeage surprise d’un des compagnons de première heure du Président Alioune Badara Cissé, ancien coordonnateur national de l’APR, les polémiques gauchement entretenues autour du renvoi de Moubarack Lo (ancien directeur de cabinet adjoint du président), la maladroite implication politique de membres de la famille présidentielle, les investitures problématiques pour les prochaines élections locales, les incessantes violences internes opposant les responsables et les multiples guerres d’égo obligent le Président de la République à intervenir de plus en plus régulièrement dans le fonctionnement du parti. Sa dernière trouvaille, la commission de discipline installée au Palais de la République (sic !) il y a quelques jours, devrait permettre au parti présidentiel de se prémunir d’étaler ses divergences avec violence sur la scène publique.
Si le « Yoonu Yokkute », concept de développement du parti au pouvoir, peine à convaincre des sénégalais partagés entre résignation et indifférence, il est évident que cet anniversaire, devrait être l’occasion d’un véritable aggiornamento du mouvement présidentiel qui a l’obligation de mettre de l’ordre dans ses rangs pour s’atteler à une demande citoyenne et sociale en souffrance.
Macky Sall a su séduire les sénégalais et les rallier à son ambition, il lui reste à démontrer que son projet politique pour le Sénégal est suffisamment important pour bâtir une véritable formation politique dont l’intérêt supérieur de la nation prime sur les intérêts particuliers. Si la jeunesse est une promesse, elle ne saurait excuser tout.
Karfa Sira Diallo