SENENEWS.COM – Aucune surprise donc à attendre de son prochain gouvernement. Des hommes et des femmes, mus par un patriotisme désuet et par une avide ambition mais piégés par une culture politique aliénante et vaine, se retrouveront aux commandes d’un avion qu’un seul pilote aura le droit de conduire, jusqu’à sa prochaine humeur !
La nomination de Mme Aminata Touré comme Premier Ministre en remplacement de Mr Abdoul Mbaye garantit –elle, d’ores et déjà, le redressement salutaire de l’Etat sénégalais et un retour de la confiance envers le Président Macky Sall ? Rien n’est moins sur, si l’on se souvient, que, malgré les changements de régimes et de gouvernements, les alternances et « défenestrations », le pays reste soumis à la même logique implacable de clientélisme politique, d’amateurisme et de cupidité.
Personne ne sait exactement ce qui sortira des consultations en cours pour la constitution du nouveau gouvernement, mais cela sent déjà l’usine à gaz. Il y a, en effet, fort à parier, que comme sous tous les régimes présidentiels, et encore plus sous nos tropiques, le Président Macky Sall, après avoir fait semblant de laisser le nouveau Premier Ministre choisir son équipe, arbitrera entre les différentes tendances qui s’affrontent autour de l’Etat.
Entre ses alliés vieillissants que toute énergie a quitté et prêts à tuer leurs partis pour une fin de carrière sous les ors, une alliance pour la république profondément marquée par l’incompétence et une mésalliance suicidaire, la ribambelle de journalistes du palais, réputés dans la rumeur et la manipulation, qui se disputent son oreille, le puissant chanteur et propriétaire de médias, as du chantage, décidé à faire payer rubis sur ongles et à appliquer le talion et les brillants cadres de l’administration dégoûtés et épuisés par le désœuvrement et l’abandon, le Président n’aura que l’embarras du choix des futurs ministres d’un gouvernement dont on peut aisément parier sur l’échec.
Ce n’est pas le gouvernement qui est à remanier. C’est le Président Macky Sall qui doit se remanier. A l’heure où des milliers de familles pataugent dans des inondations qu’aucune solution sérieuse et crédible n’est venue résoudre, quand la rentrée scolaire se profile dans des familles privées d’électricité et que la viande est toujours aussi chère au Sénégal, au moment où les jeunes sénégalais reprennent la route de « barsakh » à défaut d’apercevoir les 500 000 emplois promis par le Président Macky Sall, l’urgence d’un changement de gouvernement reste inexplicable pour nombre de sénégalais.
Dix sept mois après son arrivée au pouvoir, Macky Sall semble avoir totalement oublié les conditions quasi-révolutionnaires qui ont présidé à son arrivée au pouvoir. La demande sociale sénégalaise d’assainissement de la vie politique, de lutte contre la corruption et le népotisme, d’amélioration des conditions d’existence, d’exemplarité et d’émergence d’un nouveau Sénégal autour d’un paradigme moral et politique renouvelé, complètement dilapidés en quelques mois où effarés les citoyens sénégalais ont assisté à la reproduction des mêmes pratiques combattues sous l’ancien Président et revêtues de toutes les vertus par les princes du moment renforcés par nombre de membres de la société civile recrutés aux avant-postes.
S’il a été un transparent Premier Ministre, fragilisé par les accusations relatives à son passé de banquier (notamment sur l’Affaire Habré), par l’hyper-puissance médiatique de ministres incompétents et incontrôlables et par une marge de manœuvre quasi-nulle, Abdoul Mbaye aura donné une dignité à cette fonction ingrate et désespérante de l’agencement politique sénégalais, à défaut d’avoir pu se débarrasser de cette morgue de financier qui l’empêchait de communier vraiment avec les populations.
Le choix d’Aminata Touré préfigure une fâcheuse et prévisible erreur de casting. Garante jusqu’à sa nomination surprise de veiller sur une des rares promesses réalisées du Président Macky Sall : « la traque des biens mal acquis », l’ancienne Ministre de la Justice quitte une administration judiciaire qui va s’enfoncer inévitablement dans la turbulence, le doute et la suspicion. Après le brillant réquisitoire suivi de l’arrestation de Karim Wade, super et louche ministre sous l’ancien régime, et les nombreuses affaires judiciaires en cours concernant des dignitaires de l’opposition, l’abandon d’une telle station, au profit d’une Primature qui l’éloignera d’un suivi régulier et sérieux de ces affaires, préparerait-il une volonté présidentielle d’étouffer des procédures dont l’impasse était prévisible, faute d’un réel et sincère aggiornamento ?
Aucune surprise donc à attendre de son prochain gouvernement. Des hommes et des femmes, mus par un patriotisme désuet et par une avide ambition mais piégés par une culture politique aliénante et vaine, se retrouveront aux commandes d’un avion qu’un seul pilote aura le droit de conduire, jusqu’à sa prochaine humeur !
Karfa Sira Diallo